Séance Plénière 20 et 21 juin 2022
Pour des études et des procédures renforcées sur le projet Pure Salmon, motion portée par le groupe écologiste, solidaire et citoyen
Pure Salmon annonce vouloir créer au Verdon (Gironde) une ferme usine produisant 10 000 tonnes de saumons par an (soit deux millions d’animaux), en s’installant sur un site labellisé « site industriel clé en main » qui permet de bénéficier de procédures administratives accélérées. Il est donc à craindre que les impacts du projet en termes de consommation énergétique, de protection des nappes, de bien-être animal et de risques environnementaux, ne soient pas suffisamment considérés.
Pure Salmon est une société du fonds d’investissement singapourien 8F, qui gère des fermes aquacoles au Japon et aux États-Unis. Ce fonds a été créé en 2016, il a levé 360 millions de dollars (311,4 millions d’euros) en 2020, puis 60 millions de dollars supplémentaires en septembre 2021, pour développer Pure Salmon. Le projet de ferme aquacole est porté par le fonds singapourien et par une filiale de Véolia, avec l’objectif affiché de devenir la première ferme aquacole de saumons française.
Une première tentative d’implantation à Boulogne-sur-Mer a échoué face à une très forte contestation locale, appuyée sur un avis de l’autorité environnementale jugeant le dossier présenté par le promoteur « très insuffisant ». L’autorité environnementale recommandait notamment une « réelle évaluation environnementale ». Cet avis soulignait aussi que « la consommation en eau du projet est très importante » et disait qu’il serait « nécessaire d’étudier les impacts de ce prélèvement sur la ressource en eau et sur les milieux aquatiques, dont les sites Natura 2000, en prenant en compte le changement climatique ».
Son promoteur s’est alors rabattu sur l’estuaire de la Gironde, profitant du dispositif de l’État sur les « territoires industriels clés en main » qui vise à permettre de « déposer sans délai les demandes de permis de construire et d’autorisation environnementales », celles-ci ayant été « anticipées ». La promesse de créer 250 emplois est mise en avant pour faire tomber toutes les
réticences. Les porteurs de projets essayent également de rendre ce projet plus « vert » en communiquant sur le recyclage de l’eau, la production d’électricité photovoltaïque, les farines bio pour l’alimentation des saumons ou la production locale d’un poisson surconsommé.
Mais bien des interrogations et des inquiétudes s’accumulent déjà.
En effet, pour ne parler que des problématiques déjà identifiées :
– le site concerné s’inscrit dans une zone Natura 2000 – dont la Région va récupérer la compétence en janvier 2023 -, et dans le Parc marin de l’estuaire de la Gironde et du pertuis charentais ;
– les pêcheurs et associations de protection de l’estuaire évoquent les risques liés aux flux importants engendrés par les rejets dans l’estuaire qui pourraient soulever les sédiments et libérer les métaux lourds qui y sont enfouis ;
– cette ferme usine aurait une consommation d’eau de 1 500 m3/jour en moyenne (pouvant monter jusqu’à 2 800 m3), soit la consommation de plus de 10 000 habitants dans un contexte de grande tension sur la ressource ;
– la commission locale de l’eau du SAGE Nappes profondes de Gironde, pointe la localisation du projet dans une zone à risque fort de salinisation de la nappe dite Eocène moyen ;
– il estime qu’un nouveau prélèvement dans l’Eocène moyen par le forage prévu par Pure Salmon « est incompatible avec une gestion équilibrée et durable des nappes profondes de Gironde » ;
– même si l’eau était puisée ailleurs que dans les nappes profondes, cela resterait problématique pour des raisons d’équilibre et d’extrême fragilité du milieu sur cette zone ;
– la concentration d’animaux est extrêmement préoccupante, tant du point de vue du bien-être animal que des risques sanitaires intrinsèques à ce type d’élevage ;
– la concertation en amont et l’implication des habitantes et habitants, acteurs socio-professionnels, associations, collectivités locales… est jusqu’à aujourd’hui très insuffisante.
D’ores et déjà, le projet Pure Salmon fait se confronter les enjeux économiques, sociétaux, environnementaux et climatiques au lieu de les mettre en synergie. Il pourrait être incompatible avec les politiques publiques de la Région et sa feuille de route Néo Terra. Un projet aussi spécifique et inédit que gigantesque ne peut donc pas s’affranchir d’études d’impact approfondies, comme recommandé par l’autorité environnementale des Hauts-de-France.
Pour toutes ces raisons, le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, réuni en séance plénière les 20 et 21 juin 2022 :
- rappelle sa volonté d’accompagner une transition écologique ambitieuse, de veiller à la ressource en eau et de limiter l’impact du dérèglement climatique sur notre territoire ;
- souligne les contradictions potentielles du projet Pure Salmon avec les politiques régionales et avec les ambitions affirmées dans la feuille de route Néo Terra ;
- demande à l’État d’organiser un débat public et de renforcer les études d’impact et procédures réglementaires sur ce projet.