Le groupe écologiste, solidaire et citoyen se réjouit du jugement du tribunal judiciaire de Brest condamnant le fabricant d’engrais Timac Agro pour des pollutions majeures en Charente-Maritime. Il devra verser 115 000 euros à des associations de défense de l’environnement. Toutefois, les élu·es déplorent le manque de mesures pour faire cesser ces pollutions, dépolluer le site et prévenir les problèmes de santé des riverains et travailleurs de la zone. Ils souhaitent la reconnaissance des droits du fleuve Charente, l’un des plus pollués de France.
Le tribunal de Brest a condamné le 22 février le fabricant d’engrais Timac Agro (propriété du groupe Roullier) pour des pollutions atmosphériques et aquatiques entre 2010 et 2019 sur ses sites de Tonnay-Charente (Charente-Maritime) et de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine).
Ces pollutions aux métaux lourds (plomb, cadmium, mercure, arsenic, etc.) des sols environnants l’usine et du fleuve Charente, qui coule à quelques dizaines de mètres de l’usine, sont de nature à mettre en danger la santé humaine et les milieux naturels.
Quatre associations de défense de l’environnement ont épinglé Timac Agro pour ces pollutions et le non-respect des valeurs maximales d’émissions atmosphériques autorisées de certains polluants comme l’acide chlorhydrique ou le permanganate de potassium. D’autres irrégularités ont été pointées, comme le révèle un article1 de Sud Ouest publié le 29 février 2024 : le stockage en extérieur de plusieurs milliers de tonnes de potasse, dont les poussières ont pu s’envoler ; des rejets d’eau de ruissellement dans le fleuve présentant des dépassements de seuil pour les matières en suspension, d’azote et de phosphore.
Les riverains sont depuis trop longtemps victimes des émanations nauséabondes et irritantes pour leurs voies respiratoires, au mépris des réglementations en vigueur sur la préservation de la qualité de l’air.
Des manquements d’ampleur pourtant signalés par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) et valant plusieurs mises en demeure à Timac Agro par la préfecture. L’Agence régionale de santé vient, elle, de lancer un dépistage gratuit pour les 300 habitants du lotissement « La Cité des jardins ». Elle interdit notamment la culture de végétaux de consommation et l’élevage d’animaux.
La société devra verser 115 000 euros aux quatre associations de défense de l’environnement.
« Nous nous réjouissons de ce jugement, indique Stéphane Trifiletti, conseiller régional de Charente-Maritime et coprésident du groupe écologiste de la Région Nouvelle-Aquitaine. Toutefois, c’est très peu au regard des impacts environnementaux et sanitaires et du chiffre d’affaires 2023 de 4,1 milliards d’euros du groupe Roullier. Nous souhaitons que toute la lumière soit faite sur l’ampleur des pollutions des sols, de l’air, de l’eau et des contaminations des riverains et travailleurs, que l’ARS étende son dépistage gratuit à tous les habitants et travailleurs de la zone et qu’une sérieuse dépollution du site soit entreprise au plus vite. Nous plaidons en faveur d’une industrie respectueuse de l’environnement et de la santé et d’un modèle agricole plus vertueux, notamment pour les agriculteurs. »
« Le fleuve Charente, qui traverse la région de sa source en Haute-Vienne à son embouchure à Port-des-Barques (Charente-Maritime), est l’un des fleuves les plus pollués de France, souligne Katia Bourdin, conseillère régionale écologiste de Charente-Maritime. Or, il permet d’approvisionner en eau potable une grande partie de la population des départements de la Charente et de la Charente-Maritime. Il joue également un rôle essentiel pour la faune, la flore et tout le biotope qui s’y développent, et pour les activités humaines : agriculture, conchyliculture, baignades, tourisme… La bonne santé et la préservation du fleuve Charente sont indispensables pour garantir les droits à un environnement sain des écosystèmes et des générations présentes et futures. »
Le jugement intervient dans un contexte de reconversion du site et de licenciements : le site tonnacquois a cessé de produire des granulés enrobés d’engrais fertilisants et de produits azotés depuis mars 2023, afin de devenir une plateforme de stockage et d’assemblage d’engrais ; 34 des 43 salariés se sont fait licencier en janvier 2024.
« Non seulement, ce fabricant d’engrais pollue durablement mais en plus il brise des vies en licenciant massivement, s’indigne Katia Bourdin. Il s’agit d’un vrai gâchis écologique et social ! L’association environnementale Pays rochefortais alert’ (PRA) a tiré le signal d’alarme dès 2010. Il a fallu 14 ans pour obtenir un début de justice, 14 années pendant lesquelles le site a continué à être exploité et pollué. »