À l’occasion de la séance plénière du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine ces lundi 16 et mardi 17 octobre, les élu·es du groupe écologiste, solidaire et citoyen proposeront 13 amendements à la délibération sur l’hydraulique agricole. En intégrant ces amendements, la Région pourra pleinement prendre ses responsabilités pour le bon usage des financements publics, pour la préservation de l’eau, potable comme agricole, et pour l’avenir de l’agriculture en Nouvelle-Aquitaine.
Ils présenteront également deux motions, l’une sur le glyphosate, l’autre sur la santé mentale des jeunes, ainsi qu’une question orale sur l’inégalité des droits d’inscription entre étudiants européens et hors UE à l’université de Pau.
Hydraulique agricole : la situation préoccupante de la ressource en eau impose un changement de modèle
Les années 2022 et 2023 ont été marquées par des sécheresses sans précédent. De nombreuses nappes souterraines sont encore à des niveaux historiquement bas et de nombreuses communes ont subi des restrictions d’eau. « Face à ce phénomène qui s’aggrave à mesure que le réchauffement climatique s’accélère, la Région a un rôle clé pour impulser une véritable transition de l’agriculture vers la sobriété hydrique et l’usage responsable d’une ressource qui se raréfie. C’est le sens des amendements déposés par notre groupe, car la situation nécessite du pragmatisme : l’état préoccupant de la ressource en eau en Nouvelle-Aquitaine, qui est évoqué dans la délibération, nous oblige », explique Christine Graval, conseillère régionale de la Vienne.
« Nous nous félicitons d’avoir convaincu l’exécutif de ne pas financer les bassines dans le mandat 2016-2021, alors qu’au départ Alain Rousset était prêt à engager 60 M€ d’argent public dans ces projets dépassés, rappelle Nicolas Gamache, conseiller régional des Deux-Sèvres. C’est désormais l’Union européenne, en interdisant les prélèvements pour l’irrigation dans les zones où les masses d’eau sont en mauvais état, qui bloque les financements de la Région via les fonds européens, explique-t-il. Mais dans les zones où ces masses d’eau sont encore en bon état, la Région semble prête à financer le développement tous azimuts de l’irrigation ! Sommes-nous prêts à soutenir cela ? »
« Bien sûr, l’agriculture a besoin d’eau, mais quelle agriculture ? C’est à moyen et long terme que les politiques publiques doivent préserver la ressource, tant en quantité qu’en qualité, pour le bien des populations et des territoires, poursuit Christine Graval. Pour cela, les aides publiques doivent respecter le code de l’environnement et la hiérarchie des usages de la loi sur l’eau. Nous proposons par exemple de prioriser réellement la sobriété, l’agriculture bio et les cultures à forte valeur ajoutée pour nos territoires, y compris pour l’emploi. La sortie des pesticides reste un critère incontournable, on le voit dans la Vienne, avec notre eau potable polluée à long terme. Et l’argent public ne plus aider l’irrigation du maïs, culture gourmande en eau et en intrants de synthèse. Enfin, il faut exiger des projets de territoires de gestion de l’eau (PTGE) très démocratiques et ouverts à tous les usagers de l’eau ».
Dans son avis sur le règlement d’intervention en faveur de l’hydraulique agricole, le Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) rappelle lui aussi qu’il souhaite que les questions sur l’eau soient discutées largement et reste attaché à cet égard aux PTGE. Le CESER souhaite aussi que « la priorité soit donnée aux exploitations engagées en bio » et attire l’attention sur « l’absolue nécessité des contrôles prévus pour s’assurer du respect des engagements ».
Sur cette question des diagnostics et des contrôles des engagements agro-écologiques des exploitations, le groupe écologiste préconise dans un de ses amendements, de les faire réaliser par des organismes de certification indépendants et agréés par le Ministère de l’agriculture.
Notre groupe présentera également deux motions et une question orale à l’occasion de cette plénière
MOTION · Réaffirmation de la sortie des pesticides, y compris du glyphosate, en Nouvelle-Aquitaine
Le glyphosate est classé « cancérogène probable » depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer. Il augmente les cas de lymphomes non hodgkiniens selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Il est considéré comme un perturbateur endocrinien, reprotoxique et neurotoxique, selon des recherches de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Il augmente le risque de malformations périnatales (pour la première fois, la Commission d’indemnisation des enfants victimes d’une exposition prénatale aux pesticides établit un lien de causalité entre l’exposition au glyphosate d’une femme durant sa grossesse et la malformation de son fils). Il nuit à la biodiversité et à la qualité de l’eau.
Malgré ces risques élevés pour la santé, la biodiversité et l’environnement, la Commission européenne proposait de ré-autoriser l’herbicide pour dix nouvelles années. « Combien de preuves faudra-t-il accumuler pour qu’il soit définitivement interdit ? », interroge Stéphane Trifiletti, coprésident du groupe.
Le premier vote de ce vendredi a écarté la période de 10 ans. « C’est une bonne chose mais nous ne sommes pas complètement rassurés sur la suite », remarque Stéphane Trifiletti.
Alors que la Région a adopté, en février dernier, une feuille de route « Une seule santé», les 19 conseillers régionaux écologistes présenteront en séance plénière une motion pour réaffirmer l’engagement de la région Nouvelle-Aquitaine à sortir des pesticides cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), en particulier du glyphosate, d’ici 2025, et des pesticides de synthèse d’ici 2030, conformément à la feuille de route Néo Terra. Cette motion vise aussi à encourager la recherche et l’innovation pour développer des pratiques agricoles alternatives et durables, respectueuses de la santé humaine et de l’environnement. Et à plaider au niveau national et européen en faveur de réglementations plus strictes pour l’évaluation des pesticides, excluant les études des fabricants et se basant uniquement sur des études indépendantes publiées par des scientifiques.
MOTION · Faire de la santé mentale des jeunes une cause régionale
Selon un Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), publié en février par Santé publique France (SPF), un jeune (18-24 ans) sur 5 (20,8 %) présentait, en 2021, des troubles dépressifs contre un sur dix (11,7 %) quatre ans plus tôt. Selon un autre BEH de SPF datant de mai, les jeunes filles sont majoritairement concernées par les comportements suicidaires et d’après un article publié en janvier 2022 dans Libération, les admissions aux urgences pour gestes suicidaires ont très fortement augmenté, progressant de 40 % en 2021 par rapport aux trois années précédentes. Dans son rapport publié en mars dernier, la Cour des Comptes estime qu’environ 1,6 millions d’enfants et adolescents souffrent d’un trouble psychiatrique en France. En juin 2022, la Défenseure des droits, a appelé le gouvernement à mettre en place un plan d’urgence pour la santé mentale des jeunes.
Les causes de ce mal-être sont multiples : pandémie de Covid-19, contexte anxiogène entre crise climatique, guerres, situation économique et précarité. Et les conséquences nombreuses : augmentation des troubles liés à l’anxiété, replis majeurs, ruptures de la scolarité…
« Si le recrutement des infirmières et médecins scolaires est de la compétence de l’État, la Région a aussi les moyens d’agir, souligne la conseillère régionale écologiste de Charente-Maritime Katia Bourdin. En plénière, nous proposerons une motion pour que la santé mentale des jeunes soit une grande cause régionale. Nous proposons que des campagnes de prévention soient menées dans les lycées, que l’offre de soins psychologiques/psychiatriques soit étoffée avec, notamment, l’ouverture de centres d’accueil spécialisés pour les jeunes et la généralisation des permanences d’évaluation clinique (PEC) qui donnent d’excellents résultats dans la Vienne. »
Enfin, les élu·es écologistes poseront une question orale sur les droits d’inscription élevés pour les étudiants hors UE à l’université de Pau à la majorité régionale :
Ils ont été interpellés par les étudiant·es de l’université de Pau et des Pays de l’Adour à propos des frais de scolarité de leurs collègues étrangers hors Union européenne, attirés par l’excellence académique française : ces droits d’inscription sont dix fois plus importants pour eux que pour les étudiants européens, variant entre 2770 à 3770 euros selon que l’étudiant est en licence ou en master. Cela entraîne des difficultés importantes pour ces jeunes.
Depuis la circulaire mal nommée « Bienvenue » de 2019 qui a mis en place des droits d’inscription différenciés pour les étudiants internationaux extracommunautaires, de nombreuses universités se sont engagées à ne pas appliquer ces frais supplémentaires. Dans notre région, Bordeaux, Poitiers et Limoges ont ainsi décidé d’appliquer le principe d’égalité par une exonération partielle permettant aux étudiants extra-européens de s’acquitter d’un montant de droits égal à celui des étudiants européens. Mais l’Université de Pau a, elle, décidé de soumettre les étudiants hors UE à toute la rigueur de la règle fixée par la circulaire.
« Cette situation urgente et injuste nous révolte. C’est pourquoi nous avons demandé par courrier adressé au président de l’université de Pau de mettre fin à cette inégalité dans la lignée des universités de Bordeaux, Limoges et Poitiers, a indiqué le conseiller régional écologiste de Gironde Karfa Diallo, qui siège en commission « enseignement supérieur et recherche ». Il interrogera l’exécutif régional lors de la séance plénière des 16 et 17 octobre.