Plénière des 15 & 16 décembre 2022 – Propos introductif de Stéphane Trifiletti

Propos liminaires de Stéphane Trifiletti, co-président, pour le groupe écologiste, solidaire & citoyen.

« Monsieur le président, chèr·es collègues,

La COP27 s’est achevée sur un bilan particulièrement décevant. Nouvel échec pour la sauvegarde du climat.  Les GES continuent à augmenter fortement y compris en Nouvelle-Aquitaine. L’effondrement du vivant se poursuit, les écocides se multiplient alors que la COP15 Biodiversité est réunie à Montréal. En même temps, notre ministre de l’agriculture se dit favorable à une nouvelle dérogation sur l’utilisation des néonicotinoïdes.

Absence injustifiable d’actes forts sur Climat et Biodiversité : tous les signaux sont au rouge écarlate.  Le contexte social est lui aussi dramatique, marqué par des inégalités astronomiques : nous sommes 8 milliards sur Terre maintenant, Terre ou 8 personnes possèdent autant que 4 milliards d’individus. Aucune mesure contraignante n’est prise pour rectifier ces trajectoires.

L’incapacité du gouvernement à proposer des mesures structurantes pour lutter contre la précarité rime avec sa coupable inaction climatique. Rien d’étonnant qu’il ait été plusieurs fois condamné par la justice.

Incapacité à réinterroger notre rapport à la croissance et au partage inégal des richesses. Ses propositions scélérates de repousser l’âge légal de la retraite, au moment où l’âge moyen en bonne santé stagne voire recule, de diminuer les indemnités chômage et de sanctionner ceux qui ne peuvent plus payer leur loyer, prouve s’il le fallait encore, que ce gouvernement est encore totalement aveuglé par cette doxa néolibérale. Celle qui, depuis les années 80, a voulu, en affaiblissant la République, tout transformer en marchandises, au nom de la croissance. Y compris l’alimentation et l’eau, les services publics essentiels sur nos territoires, y compris la santé et même les maisons de retraite… l’ouverture à la concurrence des transports publics, dont les TER, relève de la même pensée néolibérale.

Décalage absolu aussi de l’extrême droite concernant ces enjeux vitaux : Au RN on est intrigant, xénophobe (sauf lorsqu’on emploie des travailleurs étrangers dans des conditions déplorables dans ses vignes) et climato-cynique. Au RN, on défend les 4×4, on vote contre la hausse du SMIC et on dépose des amendements contre le retour de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune et contre l’ISF climatique ! Nouveau slogan de l’extrême droite : défendre les millionnaires et les écocidaires plutôt que les classes populaires !

Pendant ce temps-là, nous sautons pieds joints dans l’Anthropocène. Le rôle de chacun et d’une collectivité en particulier c’est de regarder les choses en face : des pans entiers de notre économie sont obsolètes au regard du monde qui vient, et nous n’avons pas les moyens écologiques de faire advenir une bonne partie des révolutions technologiques annoncées. Technophobie ? Certainement pas ! Mais le progrès technique doit être interrogé quant à sa finalité et à la notion de progrès.

Question essentielle : pourquoi n’arrivons-nous pas à cranter cette « transition » y compris en Nouvelle-Aquitaine ? Question sous-titrée par Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »

Nos dépendances aux technologies et à la croissance infinie dans un monde fini nous enferment chaque jour un peu plus, qu’il s’agisse des pesticides ou des centrales nucléaires à l’arrêt. Une énième mise à jour du logiciel productiviste, un EPR en 2050, un drone épandeur de pesticides HVE, ne permettront pas de résoudre cette crise. Au contraire : ce sont plutôt les causes de l’impasse actuelle que des remèdes.

Juste un exemple : le 6 novembre dernier un rapport de l’Académie des sciences et technologies estimait que le programme de véhicules électriques français réclamera rapidement des quantités de lithium et de cobalt excédant les productions mondiales actuelles…

Mirage du “tout technologique” supposé résoudre, comme par magie, les crises systémiques.

Derrière ce mirage, c’est le totem « innovation » que nous souhaitons interroger.

Nous vous proposons, chers collègues, de lever la dissonance cognitive entre les limites planétaires – et la réalité des pratiques scientifiques et techniques.

Oui, nous avons vraiment besoin d’ingénieurs, de mécaniciens, de scientifiques et de low-tech pour accompagner la décroissance de nos consommations. Le rôle de la puissance publique et de notre région est d’accompagner la réorganisation de nos systèmes techniques et la sortie des technologies zombies.

Oui, nous devons passer collectivement d’une logique de profit à la question des communs.

Oui d’autres choses pourraient croître au contraire et être bien mieux accompagnées comme par exemple :

– Un foncier régional pour un Conservatoire des terres nourricières, sens de notre motion pour accompagner la souveraineté alimentaire en Nouvelle-Aquitaine.

– Une Santé globale via une alimentation sortie des pesticides CMR en 2025, comme promis par Néo Terra : pas en 2035 comme entendu ici lundi dernier.

« Renoncer aux futurs déjà obsolètes » et faire advenir des futurs positifs : c’est ça le rôle politique fondamental de notre collectivité : nous n’avons pas les moyens écologiques ni le temps de faire advenir une bonne partie des “sauts” technologiques, dans lesquels, trop souvent vous vous enfermez.

« Renoncer aux futurs déjà obsolètes » et faire advenir des futurs positifs : c’est accepter que l’avion « vert » commercial – hydrogène est une chimère s’il s’inscrit dans l’augmentation exponentielle du trafic aérien. C’est maintenant qu’on doit résoudre les crises, pas en 2050.

C’est mieux accompagner la sobriété et l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, ce n’est pas soutenir la construction d’un EPR : trop cher, trop lent, inadapté aux urgences.

C’est accepter que les LGV ne permettent jamais, jamais, de sortir du tout camion et de l’effet rebond. Que le POLT, axe délaissé, est nécessaire pour nos territoires, maintenant ! et pas à la Saint-Glinglin.

C’est comprendre que l’agriculture HVE ne peut pas protéger les captages d’eau et faire réussir les programmes Ressource comme nous le montrent déjà si bien les suivis de données en Poitou-Charentes.

« Renoncer aux futurs déjà obsolètes » et faire advenir des futurs positifs, c’est surtout accompagner les entreprises à se poser les bonnes questions :

Comment passer d’une entreprise high-tech à une entreprise low-tech résiliente / chocs en cours et en conformité avec les limites planétaires ?

L’objectif de Nouvelle-Aquitaine maintenant : c’est d’aider les entrepreneurs à accepter de ne pas faire advenir certaines innovations qui ne seraient pas compatibles avec le système Terre, mais à faire advenir ce qui répond aux enjeux du temps : c’est ça notre destin commun, C’est ça réussir la transition pour tous ! C’est aussi le sens de quelques-uns de nos amendements comme par exemple celui portant sur la Convention pluriannuelle d’objectifs – Région/ A.D.I

« Renoncer aux futurs déjà obsolètes » et faire advenir des futurs positifs,

C’est redonner du sens à ce que les jeunes et moins jeunes souhaitent de plus en plus dans l’entreprise : c’est-à-dire Être plutôt qu’Avoir. C’est associer les Néo-Aquitains : une fois de plus, nécessité de répéter encore et encore : c’est dommage de ne pas disposer d’une convention citoyenne régionale pour nous épauler.

C’est dépoussiérer la feuille de route Néo-Terra, c’est s’engager à vraiment conditionner les aides régionales (les éco-socio-ethico conditionnalités) et à déployer un budget vert.

Nous pointons quelques signes encourageants dans vos intentions : par exemple lorsque vous affirmez votre volonté d’intégrer Néo Sociétas dans nos politiques publiques, ou que vous proposez d’intégrer (certes encore bien timidement) la motion Végétalisation Lycée votée en octobre dernier dans le PPI 2. Sachez que nous serons à vos côtés lorsque vous irez dans cette bonne direction.

Par contre, c’est un changement de paradigme pour sortir des futurs obsolètes que vous devrez déployer pour nous convaincre concernant la direction globale de votre politique et sa traduction budgétaire.

Votre budget envoie encore trop de mauvais signaux. Votre politique « transition énergétique et écologique », hors TER, est rachitique,  et affiche encore des baisses des dépenses d’investissement et de fonctionnement, malgré les apparences. L’insertion de recettes transférées par l’État concernant Natura 2000 joue aussi le rôle de trompe-l’œil.

Le CESER pointe d’ailleurs, je cite : qu’“Il est difficile d’identifier les dépenses qui engendrent des effets environnementaux positifs de celles qui produisent des effets négatifs”.

Nous déplorons aussi bien sûr, le manque de soutien au monde associatif, qui tisse et fait tenir beaucoup de choses dans nos territoires.

Monsieur le Président, chers collègues,

Écrire et faire advenir des futurs positifs : À notre modeste place nous, proposerons pendant cette plénière de vous embarquer et cranter vraiment cette politique de bifurcation écologique et sociale. »

 

Seul le prononcé fait foi.