Courrier envoyé le 28 avril 2022, à l’attention de la Préfète de Corrèze et de la Directrice départementale des territoires
Le blaireau d’Europe, Meles, meles, est un petit ours de nos campagnes. Discret, nocturne, paisible, il se nourrit de vers et petits fruits. Il a 2 ou 3 petits par portée, ce qui constitue une faible dynamique des populations. Il vit dans des terriers qui impressionnent par leur savante construction et qui sont des lieux de riche biodiversité, car abritant d’autres espèces en interdépendance.
La littérature scientifique* qui concerne cette espèce indique que non seulement les jeunes blaireaux de l’année ne sont pas complètement sevrés au 15 mai mais qu’ils restent dépendants de leur mère, pour survivre, au minimum jusqu’au mois d’août. Les jeunes restent généralement plus longtemps avec leur mère lorsque les étés sont secs. D’autre part, la mortalité juvénile constatée sur cette espèce est très importante, de l’ordre de 50 % la première année, due principalement au trafic routier.
Dès lors, l’instauration d’une période complémentaire de vénerie sous terre pour en réguler les populations paraît en total décalage avec la réalité. Elle peut venir affecter des effectifs déjà très affaiblis et contribuer à sa disparition dans le département. Nous notons d’ailleurs que la note de présentation du projet d’arrêté ne mentionne aucun recensement précis du nombre d’individus de l’espèce . Pour pouvoir justifier d’une nécessité à réguler, il faudrait a minima avoir un comptage préalable et sérieux des populations concernées.
Le dernier paragraphe de la note de présentation voudrait démontrer que la vénerie sous terre, pratiquée par un nombre restreint d’équipages de chasseurs, ne peut pas mettre l’espèce en péril ; mais force est de constater que rien dans cette note ne vient étayer cette affirmation : ni comptage préalable, ni garantie sur le nombre d’individus qui seront tués.
Or, comme vous le rappelez dans votre note de présentation, le blaireau est une espèce protégée par la Convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, ratifiée par la France en 1990. Alors que les dégâts invoqués pour justifier de le chasser dans une période qui met en péril les juvéniles, comme expliqué ci-dessus, ne sont pas précisément décrits ni quantifiés pour le département de la Corrèze, nous souhaitons attirer votre attention sur les techniques simples permettant de les éviter : cordelettes enduites de répulsif autour des cultures, répulsifs olfactifs sur les rares terriers posant problème pour les digues, routes ou ouvrages hydrauliques.
Ces techniques de dissuasion connues des associations de protection de l’environnement, ont également été documentées par l’office national de la chasse. Il existe donc bien des alternatives à l’extension de la période de chasse pour remédier à d’éventuels dégâts. En conséquence, les conditions de la dérogation ne sont pas remplies et cette période complémentaire pour la vénerie sous terre semble incompatible avec le respect de la Convention de Berne. Nous rappelons que l’exercice récréatif de la chasse ne peut en aucun cas constituer un motif de dérogation.
La vénerie sous terre est de plus particulièrement cruelle : elle inflige un stress et des souffrances extrêmes aux animaux qui sont traqués et acculés dans leur terrier à l’aide de chiens ; au terme de plusieurs heures à creuser à la pelle, la pioche et/ou la barre à mine pour les atteindre, les blaireaux sont tirés hors de terre à l’aide de pinces puis achevés à la hache ou à la dague quand ils ne sont pas laissés en pâture aux chiens.
Toute la vie sauvage associée qui s’abrite dans ces terriers se trouve également détruite ou désorganisée à l‘issue de cette opération barbare. De plus en plus de départements, dont certains depuis plusieurs années, n’autorisent plus aucune période complémentaire pour ce mode de chasse.
Notre groupe de 19 élu·e·s au conseil régional de Nouvelle-Aquitaine demande instamment qu’il en soit de même dans le département de la Corrèze et que soit refusée la période complémentaire de vénerie sous terre.
Pour le groupe écologiste, solidaire et citoyen au conseil régional de Nouvelle-Aquitaine,
Maryse Combres, conseillère régionale du Lot-et-Garonne
Nicolas Thierry, président du groupe
- cf. « Contribution à l’étude de la reproduction des Blaireaux Eurasiens (Meles meles) et de la période de dépendance des blaireautins en France » réalisée par Virginie Boyaval, éthologue.